Angélique Kidjo, l’exemple en chantant
(Une “Chronique” de Jérome Carlos, pour rendre hommage à Angelique Kidjo, qui a reçu un Grammy Awards (Meilleure musique du Monde) en février 2008 aux USA.)
Angélique Kidjo, super star ! On savait déjà l’artiste musicienne sur les cimes du succès et de la notoriété, grâce à son parcours professionnel exceptionnel. Voici que l’organisme américain, le Recording Academy, qui décerne chaque année l’un des trophées les plus prestigieux au monde, les Grammy Awards, a retenu, au nombre des lauréats, édition 2008, notre compatriote. Elle est récompensée du Prix de la meilleure musique du monde contemporain.
Il y a des dizaines d’artistes musiciens, compatriotes d’Angélique Kidjo qui, en dépit des efforts louables, manquent de s’extirper de leur trou, d’éprouver la satisfaction que procure un art qui nourrit son homme d’artiste, de connaître renommée et notoriété, dans le délire des salles de spectacles chauffés à blanc par des fans déchaînés, sous les regards croisés des télévisions du monde.
Et il y a gros à parier que la plupart de ces artistes musiciens, comparant leur parcours avec celui d’Angélique Kidjo, invoquent volontiers la chance. Au prétexte que celle-ci, intervenant au hasard et à l’aveuglette, aurait favorisé cette dernière, en lui ouvrant toutes grandes les portes de la réussite et du succès, alors que, dans le même temps, une main cachée s’acharne sur eux, contrecarrant tous leurs projets et faisant avorter tous leurs rêves.
C’est une façon de voir. Mais empressons-nous de dire que cette façon de voir n’est pas bonne. Elle ne saurait l’être d’une manière ou d’une autre. Parce qu’elle repose sur une proposition absurde à tous points de vue. Nulle part au monde, en effet, et jamais dans l’histoire des hommes, la chance, le hasard ne s’est révélé un facteur activateur ou catalyseur de succès. Celui-ci, au cas où on l’ignorerait, réfère à des lois. Il n’est donc point de succès aveugle, survenant comme un objet volant non identifié qui nous tombe dessus, soudain et sans raison. Tout succès se construit, souvent dans le silence et la discrétion d’un travail dur et ingrat qui ne révèle que plus tard ses beaux fruits.
Au regard de quoi, le grand talent d’Angélique Kidjo, aujourd’hui universellement reconnu et célébré, avant d’être vu comme un don de Dieu, un cadeau du ciel, doit être d’abord saisi comme le fruit du travail acharné de l’artiste musicienne, le résultat d’un engagement sans faille à s’imposer dans l’univers impitoyable du show-biz, ceci dans le sens de l’adage bien connu : « Aide-toi et le ciel t’aidera ». Pour dire, en d’autres mots, que c’est nous qui aidons Dieu à nous aider.
Et Dieu aida beaucoup Angélique Kidjo et l’a magnifiquement gratifiée, elle qui s’est donnée la peine de ne pas se contenter d’être un artiste du dimanche. Pour sortir du gros du peloton, Angélique Kidjo alla apprendre, à l’école de la musique, à lire et à écrire celle-ci, en la soumettant à ses capacités intellectuelles, à ses possibilités artistiques, à sa sensibilité esthétique, à ses ressources d’imagination, de création et d’invention.
Nous avons eu, il y a quelques années, l’opportunité et le privilège de suivre, de loin il est vrai, les quelques jours de vacances que Angélique Kidjo s’était autorisée, officiellement pour retrouver son pays, sa famille, son royaume d’enfance toujours sous la frondaison généreuse de deux grands baobabs de l’art et de la culture dans notre pays, papa et maman Kidjo, les parents géniteurs de notre artiste internationale.
En fait de vacances, Angélique, sans trêve ni repos, était allée par monts et par vaux récolter, faire moisson des sonorités de nos différents terroirs, des accents musicaux originaux destinés à enrichir sa réserve musicale de recherche. Parce que Angélique Kidjo, en reprenant, par exemple, un air populaire comme « Tutu Gbovi », une berceuse en langue mina qui a traversé les âges, n’a pas cédé à la facilité de pasticher platement l’existant. Elle a su recréer cette chanson. Elle a su la marquer de son sceau personnel et distinctif. Elle a su la faire renaître à une nouvelle vie.
On dira que c’est l’extérieur qui l’a consacrée, l’extérieur de qui elle tient les lettres de noblesse de la grande diva internationale de la chanson qu’elle est. On veut insinuer, ce disant, qu’elle est sortie de bonne heure de l’enfermement de la galère nationale, qu’elle a su ainsi échapper à l’hécatombe des vocations en fleur, loin, bien loin de ce mouroir où c’est Mozart qu’on s’ingénie à assassiner, à tout moment, à chaque instant.
Une carrière, hors de chez soi, loin de ses bases, n’est jamais un chemin de rose où tout est donné, en toute facilité, en toute gratuité. A ce niveau, la qualité est un critère impitoyable de sélection, dans le choc constant des intérêts contraires, dans l’ambiance tranchée d’une concurrence sans merci. C’est peut être pour cela que Angélique Kidjo a su intelligemment ajouter une corde supplémentaire et non des moindres, à son arc enchanté, l’anglais, une langue qu’elle parle. C’est là un atout qui lui ouvre toutes les frontières du vaste monde, ou si l’on veut, tous les sentiers qui conduisent à notre village planétaire dont elle est devenue l’une des distingués habitants.
Que dire de plus ? Qu’une étoile béninoise brille au firmament du monde et que son exemple se doit de faire tâche d’huile, d’inspirer d’autres Béninois sur le chemin du travail et du succès.
Le célèbre architecte et urbaniste américain, Daniel Burnham a écrit : (Citation) « Ne faites pas de petits plans, ils sont incapables de vous pousser à l’action ; faites de grands plans, visez haut, dans votre travail et dans vos espoirs » (Fin de citation). Nous sommes tenté d’ajouter, faites comme Angélique Kidjo.
Auteur : Jérôme Carlos – La chronique du jour du 7 mars 2008
Site de Angelique Kidjo