Musique béninoise – Nécessité d’une structure de la critique
(Par Alvine ADJAGBA/Le Confrère de la Matinée) -La prolifération des œuvres phonographiques au Bénin témoigne de la bonne santé de la musique nationale et partant, de notre culture. Mais ce qu’il faut déplorer en cela, c’est la mauvaise qualité de certaines de ces œuvres pourtant mises dans le circuit de la promotion.
Tout le monde veut chanter, même les moins inspirés et ceux qui n’ont pas le timbre idoine pour le faire. Ce qui développe sur le marché discographique, trois catégories de chanteurs : ceux qui a défaut d’inspiration, miment les autres ; il y a aussi ceux qui n’ont pas la voix… suave qui emporte à l’écoute ; il y a enfin ceux-là qui travaillent malgré leur prédisposition à la chose. Allons au cas par cas.
Le mimétisme ambiant
La remix ou la reprise d’une chanson par quelqu’un outre que son auteur (compositeur) est aussi artistique. Mais cette reprise qui est souvent faite avec l’accord de l’auteur original est souvent dictée par une nécessité liée soit au risque de disparition de l’œuvre, soit parce que le sujet abordé est d’importance et d’actualité. Là, la volonté d’imitation est sous-tendue par des conditions objectives, parfois à cause de la modernisation de la musique. Exemple : une chanson chantée sur du pur traditionnel (gon, tam-tam, castagnette…) qu’on veut moderniser en y ajoutant de l’acoustique occidental.
Mais ce qui se remarque chez nous de plus en plus, ce n’est nullement cette tendance d’apporter du neuf en améliorant la qualité de l’œuvre, mais une déformation dangereuse et la destruction qualitative de celle-ci. Dans cette veine malheureuse, on rencontre surtout de jeunes filles à qui des prétendants proposent un petit support circonstanciel, contre rétribution. On abuse de la « beauté » de la fille jusqu’à l’outrage ; on la fane et après, on la jette comme une orange dont on a fini de sucer le jus.
Par ailleurs, c’est la redondance des thèmes abordés dans les mêmes formes, sans en ajouter du sien. L’absence du génie oblige.
Ce qui paraît bizarre dans tout ça, c’est l’accompagnement de certains studios qui ne misent plus sur la qualité et la quintessence des produits, mais qui sont attirés simplement par le gain à eux proposé. De même sur certaines chaînes de télévision et de radio, vous écoutez du ronron et du bruitage, le tout mixé dans une cacophonie indescriptible, soutenu aussi par un clip artisanal où les acteurs exécutent des gestes incohérents et abruptes, dépourvus d’automatisme et de flexibilité. (Les reins sont cambrés, calés en somme).
Des chansons-récitations
Il serait bien que les vrais musiciens encadrent les néophytes en leur définissant ce que c’est que la musique, l’harmonie… Sinon, beaucoup de jeunes aujourd’hui pensent qu’il suffit seulement de savoir réciter des paroles pour prétendre être de grands musiciens.
Très souvent ce qu’on constate, c’est la juxtaposition simple de mots qui n’ont pas de rapport entre eux, qui sont mémorisés et récités sans suite, sur un rythme vibratoire à faire réveiller les morts de leurs tombes. Avec des voix trop aiguës, « crapautées », on se découvre des capacités farcies de faire de la musique. Or chanter, c’est aussi emporter par la force mystique de la voix, dans le monde des rêves. Avec quelques mots seulement, la qualité de la voix exprimée fait oublier les soucis, même si elle ne les annule pas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains préfèrent écouter de la musique pour dormir. Et là, ce n’est plus des éclats de voix qu’on écoute, mais l’expression d’un génie en soi. La chanson, c’est de l’inspiration. C’est pourquoi vous entendez ceux qui ont le don vous dire que c’est dans le sommeil qu’ils ont eu telle symphonie pour après chercher les mots à exécuter en chanson.
Parfois, on a l’inspiration mais pas la voix. Là, on devient compositeur pour les autres nantis de ce pouvoir, de cette capacité effective de séduire rien que par la tonalité et parfois le trémolo de la voix.
Lorsque j’écoute des artistes comme Feux Gnonnas Pedro ou Eskill Lohento, des gens comme Sagbohan Danialou ou Tohon Stan et même la petite Anna Têko, ou encore Vivi l’Internationale ou Angélique Kidjo pour ne citer que ceux-là, j’ai envie non pas de devenir comme eux mais de faire exactement comme eux. Et le reste suivra.
La prédisposition à la chanson
N’est pas chanteur qui veut mais qui en a les qualités, les relents et les ressources. N’est pas non plus artiste qui veut mais qui se consacre entièrement à la chose et qui se découvre en travaillant dur. Ceux qui font paresseusement leur apparition sur la scène musicale et qui n’ont ni la capacité, c’est-à-dire la prédisposition, ni les ressources naturelles nécessaires, sont appelés à disparaître aussitôt après l’annonce de leur arrivée.
En attendant la création des écoles de musique pour musiciens accomplis ou nés tels, il faut que les jeunes qui s’essayent à la chose se rapprochent de leurs aînés tout aussi jeunes comme eux : All Bax, les groupes Afafa, H2O Assouka etc. qui savent bien le faire ; la qualité de leurs produits n’est plus à démontrer
La musique étant un produit de la culture, on ne produit pas pour son pays seulement, mais pour valoriser sa culture à l’extérieur. Veiller à la qualité des œuvres discographiques est une nécessité dont il faut tenir compte.
En plus des journalistes culturels qui doivent accompagner cette politique de la recherche de la qualité des oeuvres artistiques, il faudrait une structure érigée en tribune, pour apprécier sans parti pris, toutes les œuvres musicales produites chez nous. Cela participe aussi à la promotion culturelle et à l’amélioration de la destination Bénin.
Auteur : Alvine ADJAGBA/Le confrère de la Matinée, Quotidien béninois
Date : 12/03/2008 (?)
Source : Site – Le confrère de la Matinée