Barnabé Géraldo Affougnon : je suis très optimiste quant à l’avenir du théâtre béninois
Entretien réalisé par Kokouvi EKLOU, le 13/12/2008
Vous exercez depuis quelques années le métier de comédien avec, à la clé, un parcours qui force l’admiration. Comment êtes-vous arrivé à vous imposer sur la scène artistique nationale ?
Je ne me suis pas encore imposé sur le marché. C’est le marché qui s’impose à nous et qui impose des règles tant au niveau de la forme qu’au niveau du fond. Et ce marché veut des résultats… donc il faut être performant, travailler tous les jours, sans relâche. Moi, je reste très modeste et très humble.
Mes prestations sont des enjeux. Chaque fois que je monte sur scène, mon objectif est de partager des émotions, de me donner aux autres, dans toute ma splendeur. Parce que je suis convaincu de quelque chose : « Tant que nous avons à donner, nous en recevrons toujours au prorata de ce que nous donnons ».
Je suis très heureux aujourd’hui quand la population me porte, quand des portes s’ouvrent facilement à moi, quand je me fais des amis, partout, des amis de tous les bords (Hommes des sérails politiques, du monde des affaires …). J’intervenais dans beaucoup spots, j’en réalise d’ailleurs, mais je puis vous dire que c’est le spot sur les produits de CAJAF COMON qui m’a vraiment révélé à la population. Je remercie d’ailleurs cette population qui m’a toujours accepté et qui me porte par des conseils. J’ai fais beaucoup de création de spectacle (une vingtaine) et de voyages dans presque toutes les régions du Bénin (théâtre de développement).
Je dois également ces résultats à des hommes, des réalisateurs qui me font confiance. Je me rappelle les années 89 où je commençais avec le Complexe Artistique et Culturel Kpanlingan. Tout le monde sait ce que ce groupe a apporté au mouvement artistique et culturel au Bénin. Nous avons connu des moments difficiles mais également des moments de plaisir partagé, de bonheur. Dix-neuf ans de vie artistique. Ce n’est pas beaucoup. C’est vrai, aujourd’hui, je me spécialise dans le visuel (spots publicitaires) et je crois que ça me réussit. Je loue le seigneur de toujours m’assister dans mes travaux puisque je ne suis pas parfait. J’ai des qualités et évidemment des défauts.
D’aucuns estiment que le théâtre ne nourrit pas son homme. Qu’est-ce qui explique votre longévité dans cette discipline ?
Vous savez, nous sommes dans un environnement très compliqué où tout se construit progressivement aujourd’hui. L’artiste n’a pas de statut. Nous n’avons pas de sécurité sociale ; nous ne bénéficions pas d’assez de ressources pour subvenir, à temps, à nos besoins. Un artiste tombe malade, il faut crier à la télévision, sur ‘’AYESSI dominicale’’ pour solliciter le soutien du peuple. Beaucoup d’entre nous quémandent de l’argent. Entre gens de la profession, nous ne nous aimons pas. Quand un artiste meurt au Bénin, la reconnaissance sociale qu’on lui doit, c’est l’exposition de son corps au Hall des arts ou au Palais des Sports. En prenant en compte ces différents aspects, je peux affirmer que la vie n’est pas du tout rose pour les artistes.
Je peux sans fausse modestie dire que le théâtre nourrit son homme. Il faut retenir l’essentiel : le travail. Il faut travailler nuit et jour, recouvrer ses énergies, continuer, toujours et toujours. Ma femme aujourd’hui, c’est le travail. Car, c’est lui qui libère son homme. Je connais beaucoup d’artistes qui vivent aisément de leur profession, qui sont entre deux avions. Avant, rares sont les artistes qui s’achètent une voiture. Aujourd’hui, les artistes qui travaillent et qui sont plébiscités par leurs fans vivent en tout cas de leur profession.
Quant à moi, j’interviens dans plusieurs productions de films, de spots publicitaires, de téléfilms. Je fais également des animations ciblées. C’est ce que d’aucuns peuvent appeler du ‘’Théâtre de développement’’.
Le théâtre béninois est confronté aujourd’hui à de nombreux problèmes. Des difficultés qui inhibent son envol. Quelles solutions pourrait-on apporter au secteur du théâtre ?
Nous sommes nous-mêmes, la source de nos problèmes. Si le théâtre béninois ne décolle pas, la faute nous incombe, nous acteurs qui sommes dans ce secteur. Le mal ne vient jamais d’ailleurs. Cinq problèmes minent notre secteur :
La jalousie.
L’Hypocrisie
La propension à l’intérêt personnel et non à la recherche de l’intérêt général
La culture du germe de la division. Nous ne sommes pas unis or, quand on est divisé l’énergie qu’il faut pour porter des rêves s’effrite.
Le statut de l’artiste. Sans statut, l’artiste est quoi dans la société. Il est un problème non seulement pour lui-même mais pour sa famille, sa communauté.
Les créations se font rares dans le milieu du fait d’un défaut de financement. Etes-vous optimiste quant à l’avenir du théâtre ?
Je suis très optimiste quant à l’avenir du théâtre béninois. Nous constatons que les choses bougent à merveille depuis un certain temps. Les artistes bénéficient du milliard culturel aujourd’hui. Des activités, telles que les formations, les créations, les ateliers s’organisent régulièrement au profit des acteurs du théâtre. Il faut aussi souligner de deux traits, l’existence du PSICD, le Programme de Soutien aux Initiatives Culturelles Décentralisées ; un programme issu du fruit du partenariat entre l’Union Européenne et la République du Bénin. Nous n’allons pas occulter les efforts louables de la Direction de la Promotion Artistique et Culturelle (DPAC), du Fonds d’Aide à la Culture. Tous ces projets et fonds permettent aujourd’hui de tracer un chemin au théâtre. Pourquoi pas contribuer à le sortir de l’ornière ?
Entretien réalisé par Kokouvi EKLOU le 13/12/2008
Source : Artbenin.com