Entretien avec Clément Mèlomè : « C’est vraiment un sentiment de désarroi »
Pour mieux connaître le parcours de cet artiste, nous nous sommes rapprochés de Clément Mèlomè, ” la moitié de Eskill Lohento” et chef orchestre de Poly Rythmo.
Vous venez de perdre un compagnon fidèle. Un membre fondateur et chanteur principal de l’orchestre Poly Rythmo qu’est Eskill Lohento. Quel sentiment vous a animé lorsqu’on vous a annoncé son décès ?Quel sentiment peut animer quelqu’un qui vient de perdre un membre aussi cher ! C’est un sentiment d’angoisse, de détresse. Tout d’abord en apprenant sa mort par son jeune frère, je n’y ai pas cru. Mais comme il m’a demandé de venir à la maison avant que le corps ne soit transporté à la morgue, je suis parti. Arrivé dans sa maison, on me dit que le corps a été déjà transporté à la morgue. C’est en ce moment là que j’ai finalement cru et j’ai téléphoné aux autres membres de l’orchestre, à tous les grands qui sont nos fanatiques et qui nous soutiennent comme Sévérin Adjovi, Sagbohan Danialou et autres. C’est vraiment un sentiment de désarroi. Il est vrai que Eskill est tourmenté par le mal depuis trois ans, tantôt il va bien tantôt il va mal. Quand nous le trouvons, nous travaillons avec lui avec allégresse. Même ces derniers moments, on a joué 2 fois pour la fête de la bière au Centre de promotion de l’artisanat (Cpa) et le jeudi 9 novembre je lui ai téléphoné pour l’informer qu’on devrait partir à Bohicon le samedi 11 et il m’a rassuré qu’il était apte pour effectuer le voyage et voilà que vendredi déjà, on m’annonce qu’il est décédé. Quel sentiment peut animer quelqu’un qui vient d’apprendre une telle nouvelle ? Je suis vraiment hors de moi-même.
Que représentait Eskill Lohento pour l’orchestre Poly Rythmo ?
Il est le chanteur principal. Eskill est parti, il ne peut pas être remplacé ; ça, c’est vrai. Tout le monde aime sa voix. Pendant les prestations, quand il prend le micro, on voit le sourire sur tous les visages. Eskill est une perte énorme pour Poly Rythmo. Je ne sais pas si on peut récupérer.
Quels sont les moments forts que vous avez partagés avec Eskill ?
D’abord, comment je l’ai connu. Moi, j’habitais en face de sa maison dans les locaux qui abritent aujourd’hui le collège Gama. C’est là qu’on s’est connu. Je jouais l’accordéon et j’interprétais les morceaux de G.G Vikey. Après, j’ai commencé par composer des chansons. Il était toujours à mes côtés, il chantait avec moi. Après nous avons animé des émissions infantiles à l’Ortb. Nous avons fait beaucoup de récitals ensemble et c’est au cours de ces récitals que nous sommes rentrés dans l’orchestre Sunny Black Band qui est devenu aujourd’hui Poly Rythmo. Eskill a toujours été un compagnon fidèle parce qu’il m’a toujours reconnu ma place. Je reconnais que si je demeure encore chef orchestre de Poly Rythmo, c’est grâce à lui. Je ne peux pas tout vous expliquer. Eskill représente pour moi un trésor. Voilà en résumé les grands moments que nous avons passés ensemble.
Maintenant que Poly Rythmo vient de perdre son chanteur principal, quel avenir lui est réservé ?
Dieu sait faire les choses. Il y a trois ans, il a piqué une crise. Et depuis ce jour, nous avons commencé par prendre nos précautions. Nous avons pris un second chanteur à qui nous avons recommandé d’interpréter tous les morceaux d’Eskill. Souvent quand Eskill n’est pas là, ce second chanteur Cosme Alingo interprétait ses morceaux. Il est vrai que la mort est une perte, il ne peut pas être remplacé. On ne va pas baisser les bras et nous sommes obligés de continuer la lutte avec d’autres personnes. Le 31 décembre 2005 dernier, on était à Bamako sans lui. Nous avons fait plusieurs voyages comme ça sans lui, mais nos concerts ne seront plus comme s’il était avec nous.
Le morceau ” Nini ” qui l’a véritablement lancé, dites-nous dans quelle circonstance ce texte a été rédigé ?
Il faut reconnaître que ce n’est pas un morceau de Poly Rythmo. C’est Avohou qui a composé le morceau. Comme Eskill a une très bonne voix, beaucoup d’artistes compositeurs viennent lui confier leurs morceaux pour faire leur gloire et c’est comme ça qu’il lui a été confié ce morceau dont l’arrangement a été fait par moi-même. Ce morceau lui a donné beaucoup de gloire aussi parce que beaucoup de gens l’aiment.
Que compte faire l’orchestre pour lui rendre un dernier hommage ?
Nous sommes en train de nous réunir. Le lundi 13 novembre, tout l’orchestre, la Fédération des associations d’artistes du Bénin (Faaben) de Richmir Totah, quelques artistes comme Madou, Vincent Ahéhéhinnou, Johny Ahossi, professeur Codo, étaient ensemble pour saluer la famille éplorée. Jusqu’à présent, la famille n’a pas encore arrêté une date. Toutefois, les membres de cette famille vont se réunir pour arrêter une date. Ils nous informeront au moment opportun. De notre côté, nous sommes en train de nous apprêter pour lui rendre un hommage mérité.
Auteur : : Publié le 15 novembre 2006 par Isac YAÏ – Quotiden Fraternité
Source : Quotiden Fraternité
(Crédits photo: Chad Batka/The New York Times)